Le Vendée Globe est à la fois une aventure et une course sans escale et sans assistance. Si le bateau est mené en solitaire, il a été préparé par une équipe qui continue d’accompagner le skipper dans son périple autour du monde. Bien souvent, les coureurs au large sont comparés aux entrepreneurs et aux innovateurs par leur capacité à surmonter des obstacles, à rechercher en permanence la performance malgré une rude concurrence et des éléments parfois plus rudes encore, et à savoir gérer un écosystème très varié.
Outre cette culture de l’aventure, d’autres passerelles entre skippers et entrepreneurs-innovateurs sont envisageables. Et, certains outils de gestion de la performance des voiliers nous paraissent particulièrement intéressants à étudier. Ainsi, sur le Vendée Globe, certains marins ont embarqué avec eux le mode d’emploi de leur voilier. Et dans ce mode d’emploi se trouve parfois un tableau qui leur permet d’optimiser le choix de leurs voiles en fonction de la force et de la direction du vent par rapport à leur voilier.
Le tableau ci-dessous (simplifié) a été utilisé lors d’un précédent Vendée Globe et représente cet outil que le skipper et son équipe ont réalisé lors de leur préparation. Chaque couleur représente un type de voile d’avant. L’abscisse représente la vitesse du vent, depuis le calme plat jusqu’à la tempête ; et l’ordonnée l’angle que fait le bateau avec le vent, depuis le vent (quasi) de face – au prêt – jusqu’au vent arrière. En fonction des conditions qu’il rencontre, le skipper sait ainsi quelle serait la meilleure voile d’avant à mettre pour optimiser la vitesse de son bateau.
Dans une coopération d’innovation, il serait envisageable de développer un outil équivalent. Il faudrait se limiter, dans un premier temps, à deux dimensions pour exprimer les conditions de la relation : d’une part l’état de développement de la relation (les entreprises sont-elles en train de se découvrir, de développer leur relation ou sont-elles dans une phase de stabilisation ? – Lee & R. E. Johnsen 2012) et d’autre part la maturité de l’innovation (à quel stade de développement en est le projet d’innovation : en phase de design, de développement, de lancement ? – Le Dain et al. 2011).
Ensuite, il s’agit de définir quelles sont les configurations de gouvernance possibles pour gérer la relation : quels types de contrats, quelles modalités de partage de l’innovation, quels outils pour échanger informations et connaissances, comment piloter la coopération, par quels moyens développer les interactions entre les équipes… et d’identifier quel est le bon mix entre tous ces mécanismes de gouvernance qui convient le mieux à chacune des conditions, pour la meilleure performance pour chacune des entreprises coopérant.
La première étape permettant la construction de cet outil va être présentée lors de la prochaine conférence annuelle de l’association des chercheurs et enseignants en achats et supply chain (IPSERA). Il s’agira de présenter le cadre dans lequel il s’inscrit aux meilleurs chercheurs sur le sujet afin de l’amender, le corriger et l’enrichir ; avant de le tester pour identifier les configurations possibles et leur effet sur la performance de la relation.
Bien entendu, il faudra également voir quels sont les autres paramètres à prendre en compte ; le skipper prend aussi en compte l’état de la mer, sa position par rapport à ses concurrents et aux icebergs, mais également sa propre fatigue pour choisir sa meilleure voile… Cela reste un outil d’aide à la décision, la décision elle-même appartient toujours au skipper et à son bon sens marin !
Ce sera peut-être aussi l’occasion d’identifier ou de définir la « voile secrète », celle qui permet dans certaines configurations de surperformer par rapport aux autres… et de prendre le dessus.